Marché du carbone, URCE, URVE, secteur agricole, cadre juridique, marché volontaire, marché obligatoire, … les mots et acronymes se mélangent dans votre tête à vous en donner la migraine ? Lisez cet article et découvrez l’univers du marché du carbone ! Tous ces concepts n’auront plus aucun secret pour vous.

Lorsque l’on parle de marché du carbone, il en existe en réalité deux : le marché obligatoire et le marché volontaire.

Les principales différences résident dans :

– le cadre juridique qui est beaucoup plus complexe et contraignant dans le cadre du marché obligatoire.

– l’échelle économique, puisque le marché du carbone volontaire est de bien moindre ampleur que le marché du carbone obligatoire.

À titre d’exemple, en 2021, ce sont environ 27 milliards d’euros brassés sur le marché obligatoire contre environ 1milliard d’euros sur le marché volontaire (I4CE).

 

Le marché obligatoire

Ce marché obligatoire est aussi appelé marché réglementé, ou marché de conformité. On parle également de ce marché lorsqu’on emploie les termes suivants : système d’échange de quotas d’émissions ou système de permis d’émissions négociables (Emissions Trading Schemes – ETS en anglais).

Créé lors du protocole de Kyoto en 1997, l’idée de la tarification carbone était au départ pensée comme suit. Les pays possédaient trois moyens d’action pour se mettre en conformité :

« a. réduire leurs émissions : elles doivent donc être calculées pour chaque pays et les inventaires nationaux sont soumis annuellement à la CCNUCC : la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques ;

b. acheter des quotas Kyoto aux pays excédentaires, ce qui correspond au principe cap-and-trade ;

c. acheter des crédits Kyoto, générés par les projets de compensation carbone. Si le projet est mis en place dans un pays où il n’y a pas de contrainte sur les émissions, il doit être labellisé par le mécanisme pour un développement propre (MDP) et les crédits générés sont des unités de réduction certifiées des émissions (URCE ou CER en anglais). Dans le cas contraire, il doit participer à la « mise en œuvre conjointe » (MOC) et générera alors des unités de réduction d’émission (URE ou ERU en anglais). » ( FOUCHEROT C. , BELLASSEN V. , Protocole de Kyoto et marché carbone européen : comment les émissions des secteurs de l’agrofourniture, de l’agriculture et de l’agroalimentaire sont-elles prises en compte ? (s. d.-b). Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. https://agriculture.gouv.fr/protocole-de-kyoto-et-marche-carbone-europeen-comment-les-emissions-des-secteurs-de-lagrofourniture).

Le marché du carbone obligatoire a été mis en place à partir de 2005 par l’Union Européenne, « pour mesurer, contrôler et réduire les émissions de son industrie et de ses producteurs d’électricité » (Ministère de la Transition Écologique). Il vise à atteindre les objectifs de Kyoto, en faisant peser la contrainte non plus sur les pays mais sur les sites industriels et comprend trois mécanismes :

  • Le mécanisme de développement propre (MDP)
  • La mise en œuvre conjointe (MOC)
  • Le Système communautaire d’échanges des quotas d’émission (SCEQE)

Outre ces régimes internationaux, il existe aussi des contraintes juridiques nationales dans certains pays n’ayant pas ratifié le protocole de Kyoto.

Le marché obligatoire : le principe d’un système d’échange de quotas d’émissions

Ce marché concerne surtout les grandes entreprises polluantes des pays développés. Ces industries possèdent un quota d’émissions : concrètement, leurs tonnes équivalent CO2, c’est-à-dire leur empreinte carbone, ne doit pas dépasser une certaine quantité fixée à l’avance par l’Etat.

En théorie, ce quota est revu à la baisse chaque année pour encourager les entreprises à atteindre les objectifs européens de neutralité carbone d’ici 2050.

« Ces installations doivent, sur une période donnée dite de conformité, restituer à l’autorité publique la même quantité de quotas d’émissions, ou d’actifs carbone autorisés, que d’émissions réelles. Les installations peuvent acheter ou vendre des actifs sur le marché, chaque participant ayant intérêt à réduire ses émissions dont le coût est inférieur au prix du quota sur le marché » (Ministère de la Transition Écologique).

Ce marché est basé sur trois pilier pour garantir sa transparence et son suivi :

  • « Un registre comptable où les émissions et la conformité de chaque installation est enregistrée ;
  • Un système de mesure de rapportage et de vérification des émissions robuste pour s’assurer que les données d’émissions sont exactes ;
  • Un système de pénalités pour s’assurer que les règles, et donc l’intégrité environnementale du mécanisme de marché, sont bien respectées. »
    (Ministère de la Transition Écologique)

Chaque industrie a tout intérêt à ne pas dépasser ses quotas pour pouvoir vendre son surplus de quota non utilisé et ainsi bénéficier de la différence.
Cependant, si le coût des installations nécessaires aux réductions d’émission est plus cher que le bénéfice engendré par la revente de quotas, l’industriel a tout intérêt à acheter des quotas à d’autres entreprises.
Mais plus il y aura d’acheteurs pour un nombre réduit de vendeurs, plus le quota d’équivalent carbone aura une valeur financière élevée selon le marché de l’offre et de la demande.
Ainsi, au global et sur du long terme, il vaut mieux vendre des quotas qu’en acheter pour que cela soit rentable économiquement, et donc il vaut mieux ne pas atteindre les quotas fixés et moins polluer.

Selon de nombreux acteurs il serait souhaitable d’étendre cette tarification du carbone au-delà de l’Europe, car d’après une étude ITA-EDF datant de 2016, « étendue à une plus grande part des émissions, la tarification carbone aurait des impacts significatifs sur les réductions d’émissions de GES ». (Ministère de la Transition Écologique).

Il est important de noter une chose : si le marché européen du carbone vise l’empreinte carbone et les tonnes équivalents CO2, il ne prévoit aucune contrainte précise sur les quantités de méthane CH4 et de protoxyde d’azote N2O principalement émis en agriculture.
« À ce jour, l’agriculture ne fait pas partie du périmètre de l’EU ETS. En effet, l’Europe a fait le choix d’inclure dans le marché européen uniquement les grosses installations industrielles et de production énergétique, pour lesquelles les émissions sont mesurables à faibles coûts et avec une bonne précision. Autrement dit, aucune contrainte directe de réduction sur les émissions agricoles n’est imposée aux exploitations agricoles dans le cadre de l’EU ETS.
[…] Parmi les exploitations agricoles, seules les serres chauffées sont assujetties à l’EU ETS » (Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire).
C’est pourquoi le marché volontaire du carbone apparaît comme plus adapté dans le secteur agricole.

Pour en savoir plus sur le marché du carbone obligatoire et ses termes (banking, borrowing, …) cliquez ici.

Pour en savoir plus sur le marché du carbone vis-à-vis du secteur agro-alimentaire, de l’agrofourniture et agricole, cliquez ici.

 

Le marché volontaire

Ce marché volontaire est aussi appelé marché de la compensation volontaire, ou compensation volontaire, ou mécanisme de compensation carbone. On parle également de ce marché lorsqu’on emploie les termes de crédits carbones volontaires, ou Unités de réduction vérifiée des émissions (URVE).

Les crédits carbone générés par les projets agricoles bas carbone et par les projets forestiers sont le plus souvent mis sur ce marché de compensation volontaire.

La particularité de ce marché est le fait que les industriels ne soient pas obligés ou contraints d’acheter ces crédits carbone. Ce ne sont d’ailleurs pas forcément des entreprises comptées parmi les plus gros pollueurs. Mais alors quel intérêt trouvent-elles à acheter ces crédits ? L’image !

La responsabilité sociale des entreprises (RSE), les relations publiques, la réputation, les certifications écologiques, les avantages et les reconnaissances sociales et environnementales sont autant de raisons qui poussent les entreprises, du secteur privé le plus souvent, à acheter des crédits carbone volontaires. Ces derniers sont appelés : Unités de réduction vérifiée des émissions (URVE).

Une autre grande différence réside dans le fait que ce marché n’est pas régi par le protocole de Kyoto et que les prix des crédits carbone ne sont pas calculés de la même façon que ceux des crédits carbone issus des quotas imposés.

 

Marché obligatoire du carbone VS Marché Volontaire du carbone

Marché obligatoire

Marché volontaire

Mis en place par un état ou une région Mis en place d’un commun accord entre un porteur de projet et un acheteur/financeur de crédit carbone
Fixer un objectif d’émission de GES pour les secteurs d’activités Pas d’objectif d’émission de GES
Prix du carbone basé sur un marché international en fonction de l’offre et de la demande ; ce prix n’est pas fixe Prix du carbone basé sur un marché entre le porteur de projet, le financeur/acheteur, et la valeur du crédit calculée différemment de celle du crédit carbone du marché obligatoire.

Les acteurs de ce marché doivent rendre des comptes sur leurs émissions de quotas (1 quota = 1 tonne équivalent CO2).

Les acteurs de ce marché n’ont pas d’obligations, et sont impliqués volontairement. « Les acteurs qui achètent les crédits carbone le font de manière totalement volontaire, souvent pour témoigner d’un engagement climatique au-delà de la réglementation. » (ONG GERES, soutien de l’ADEME)
Ce marché consiste en la valorisation financière de quotas (1 quota = 1 tonne équivalent CO2) fixés et obligatoires. Ce marché consiste en la valorisation financière de l’impact carbone de projets de réduction des émissions ou de séquestration carbone mais n’a rien à voir avec des questions de quotas.
Un crédit carbone obligatoire est plutôt appelé un quota ; ce crédit n’est pas certifié par audit externe, mais encadré par des textes juridiques contraignants. Un crédit carbone volontaire est une tonne d’équivalent CO2 évitée ou séquestrée ; ce crédit est certifié par un auditeur externe indépendant au projet le plus souvent.

 

Lien entre marché obligatoire et marché volontaire du carbone

Il arrive que selon le secteur, la frontière entre ces deux marchés soit particulièrement floue. « Certains standards reconnus certifient des crédits carbone qui peuvent parfois être utilisés dans les marchés réglementés (selon les règles fixées par chacun d’entre eux), permettant ainsi à des obligés de financer des projets pour atteindre leurs objectifs. »
(Info Compensation Carbone, site de l’ONG Geres, avec le soutien de l’ADEME).

Or, les certifications de crédits carbone interviennent dans le marché volontaire du carbone, tandis que les obligés et les marchés réglementés font référence au marché obligatoire.

Citons pour illustrer ce propos l’exemple de l’Etat Français qui a obligé récemment les centrales à charbon à compenser leurs émissions en France, tout en certifiant leurs réductions d’émissions grâce au label bas carbone. Les centrales deviennent donc normalement des obligées, et doivent rentrer sur le marché du carbone obligatoire. Mais le label bas carbone rentre dans le cadre du marché du carbone volontaire, et ne certifie normalement que des crédits carbone issus de projets bas carbone volontaires.

Pour en savoir plus sur cet exemple cliquez ici.

Ainsi, la frontière entre ces deux marchés distincts tant parfois à s’amenuiser au point d’en rendre très floues les différences, pourtant bien réelles.

Pour en savoir plus sur la place du label bas carbone en France vis-à-vis du marché du carbone volontaire cliquez ici.

Pour connaitre l’actualité du marché du carbone volontaire en 2021, cliquez ici.

Pour mettre en perspective ces marchés et amorcer la réflexion des avantages et limites de chacun cliquez ici.

Pour connaitre les comptes mondiaux du marché du carbone obligatoire et volontaire :

Pour 2021 : https://www.i4ce.org/publication/les-comptes-mondiaux-du-carbone-en-2021/
Pour 2022 : https://www.i4ce.org/publication/comptes-mondiaux-carbone-2022-climat/

 

Sources :

https://www.lemonde.fr/climat/article/2023/04/18/climat-le-parlement-europeen-adopte-la-reforme-du-marche-carbone_6170036_1652612.html

https://www.afd.fr/fr/actualites/agenda/pertinence-des-marches-volontaires-du-carbone-aujourdhui-et-dans-un-futur-neutre-en-carbone

https://agriculture.gouv.fr/protocole-de-kyoto-et-marche-carbone-europeen-comment-les-emissions-des-secteurs-de-lagrofourniture

https://www.info-compensation-carbone.com/decryptage-bilan-des-marches-carbone-pour-lannee-2021/

https://www.terraterre.co/articles/compensation-carbone-volontaire-definition-marche-et-perspectives

https://climateseed.com/fr/blog/voluntary-carbon-market-vs.-regulated-carbon-market

https://www.info-compensation-carbone.com/comprendre/leconomie-du-carbone/

https://agriculture.gouv.fr/le-marche-de-la-compensation-carbone-volontaire

https://www.i4ce.org/publication/les-comptes-mondiaux-du-carbone-en-2021/

https://www.i4ce.org/publication/comptes-mondiaux-carbone-2022-climat/

https://www.ecologie.gouv.fr/marches-du-carbone

https://www.fao.org/3/i1632f/i1632f02.pdf